mardi 13 octobre 2009

Dans le maquis du système de santé américain - SANTE POLITIQUE SOCIALE PROTECTION SOCIALE

Imprimer l'article

Partager :

Viadeo

Dans le maquis du système de santé américain

[ 13/10/09  ]

La commission des Finances du Sénat américain doit se prononcer aujourd'hui sur le projet de réforme du système de santé voulu par Barack Obama. Le débat est des plus épineux face aux toutes-puissantes compagnies d'assurances qui dominent un marché extraordinairement complexe, où les résiliations brutales de contrat et les refus de remboursement se multiplient.

LAETITIA MAILHES, Les Echos
 NOTRE CORRESPONDANTE à SAN FRANCISCO.

Guy Saperstein, un avocat de Berkeley, évoque en souriant son « aventure avec la médecine », une erreur médicale qui l'a conduit l'an dernier au seuil du trépas. « Le séjour prolongé à l'hôpital et les mois de soins à domicile ont coûté 2 millions de dollars, mais je n'ai pas dépensé un centime », se réjouit-il en racontant une banale opération de la prostate transformée en septicémie avec insuffisance rénale. Guy Saperstein a de la chance : âgé de plus de soixante-cinq ans, il a pu bénéficier de Medicare, le programme de prise en charge réservé aux personnes âgées, handicapées ou atteintes d'insuffisance rénale en phase terminale, seul système public national de couverture santé avec Medicaid, qui s'adresse aux plus démunis. Le programme a une réputation telle que certains, à l'instar de l'ancien sénateur et candidat malheureux à la Maison-Blanche George McGovern, aimeraient le voir étendu à l'ensemble de la population américaine. « Je veux que chaque Américain, du berceau à la tombe, bénéficie du type de couverture santé dont je jouis aujourd'hui », écrivait récemment cette figure du Parti démocrate dans une tribune publiée dans le « Washington Post » et intitulée : « C'est simple : Medicare pour tous ».

Un voeu pieux. Le projet de réforme du système de santé porté par le président Obama, et sur lequel doit se prononcer aujourd'hui la commission des Finances du Sénat, n'ira pas jusque-là. Une révolution de cet ordre reviendrait en effet à marginaliser les toutes-puissantes compagnies d'assurance-santé, intermédiaires incontournables entre les patients et le corps médical outre-Atlantique. Proprement inimaginable à ce stade. En fait de système, la santé aux Etats-Unis est avant tout une affaire de marché. Un marché extraordinairement complexe et disparate, réglementé Etat par Etat. Un marécage de clauses, conditions et critères au sein duquel les individus ont souvent du mal à se repérer, mais qui fait le bonheur d'une profession florissante, celle des courtiers d'assurance-santé.

Franchise de 4.000 dollars

« J'ai embauché mon courtier en 2000, lorsque mon divorce m'a obligée à chercher une nouvelle police d'assurance. J'étais considérée à “ haut risque ” en raison d'un cancer du rein diagnostiqué moins de cinq ans auparavant, et personne n'était prêt à m'assurer »,raconte Nelly Reyes, une conseillère légale en immigration, qui travaille en libéral et bénéficiait jusqu'alors de la couverture fournie par l'employeur de son mari.

Le courtier l'a aidée à faire jouer en sa faveur une réglementation californienne qui oblige les assureurs à offrir une police d'assurance aux petites entreprises comptant au moins un employé à plein-temps et un employé à temps partiel, sans pouvoir discriminer en fonction des antécédents médicaux. « J'ai embauché une assistante à mi-temps, et le tour a été joué pour environ 500 dollars pour nous deux », poursuit Nelly Reyes. En août dernier, elle a fêté ses cinquante ans, et le montant mensuel de sa prime d'assurance a progressé simultanément de 14 %. « Ca va progresser comme ça chaque année, et à soixante ans, je peux m'attendre au pire », s'inquiète-t-elle. Atteinte il y a deux ans d'un nouveau cancer - de la thyroïde cette fois -, elle a assisté depuis à l'augmentation de sa franchise annuelle de 2.500 à 4.000 dollars : en clair, son assurance ne rembourse les frais à 100 % qu'une fois ce seuil dépassé. Dans ces conditions, Nelly Reyes estime que ses dépenses de santé représentent aujourd'hui 25 % de son revenu annuel brut. Et son cas est loin d'être une exception.

Licenciée fin juillet par un gros établissement financier, Maria Palmer a appris le même jour que son emploi et sa couverture santé étaient instantanément suspendus. Un cancer diagnostiqué en début d'année et une fracture de fatigue du tibia exigeaient néanmoins des soins continus. Moyennant 700 dollars par mois, soit un tarif largement supérieur à ce qu'elle versait auparavant, mais sensiblement inférieur à ce qu'elle aurait pu négocier pour une police d'assurance individuelle, elle a été en mesure de conserver la même couverture grâce à un dispositif protégeant ceux qui viennent de perdre leur emploi pendant dix-huit mois. Grâce à la loi fédérale sur le plan de relance, Maria Palmer va, en outre, bénéficier pendant neuf mois d'un tarif préférentiel de 220 dollars par mois. « J'espère retrouver un emploi d'ici là, sinon je serai obligée de vendre mon appartement »,confie-t-elle. En attendant, elle est tenue d'avancer l'argent pour tous les soins qu'elle reçoit, puis demande leur remboursement en remplissant un formulaire pour chaque acte.

Flambée des tarifs

Les tarifs imposés aux assurés suivent une courbe largement supérieure à celle de l'inflation. Au cours de la décennie passée, ils ont gonflé de 90 % à 150 % selon les Etats, tandis que les salaires et les prix à la consommation ont augmenté respectivement de 38 % et 28 %, selon le Conseil économique national de la Maison-Blanche.

Parallèlement, en dépit des initiatives prises à Washington ou au niveau des Etats pour changer leurs pratiques, les compagnies d'assurances ont toute latitude pour mettre brutalement un terme au contrat d'un client ou pour en modifier les termes. Dénoncés par Michael Moore dans son film « Sicko », les abus perpétrés par les sociétés d'assurances pour réduire leurs dépenses et maximiser leurs profits (15,9 milliards de dollars en 2008 pour les 18 plus gros acteurs du marché) ont attiré ces dernières semaines l'attention des élus. En Californie, le procureur général, Jerry Brown,a ainsi ouvert le mois dernier une enquête sur les agissements des six plus gros assureurs locaux, après que l'association des infirmières de l'Etat eut publié une étude révélant qu'ils ont refusé d'honorer 22 % des requêtes de leurs clients entre 2002 et le 30 juin 2009. Au premier semestre 2009, PacifiCare, Cigna, Kaiser et Blue Cross ont refusé de payer respectivement dans 40 %, 33 %, 28,3 % et 28 % des cas.

En outre, rares sont les assureurs qui répondent à la demande d'une partie croissante du public pour les médecines dites alternatives. En Californie, où elles foisonnent, nombreux sont les individus qui choisissent de payer de leur poche ces types de soins. « Je suis très heureuse aujourd'hui de pouvoir marcher, parler et fonctionner normalement. Mais parce que j'ai refusé les traitements classiques et les interventions chirurgicales qu'on me proposait, j'ai dû aller chercher des réponses ailleurs,témoigne Barbara Martin, une jeune fonctionnaire marquée par une rare succession d'attaques cardiaques et cérébrales à l'origine incertaine. J'ai fini par dépenser 10.000 dollars de ma poche en massages lymphatiques, acupuncture, séances de chiropractie, etc. »

Si, malgré tout, une majorité d'Américains continue à se dire satisfaite du système actuel, face à la flambée des prix et à la dégradation simultanée des services, un nombre croissant de personnes choisissent de ne pas investir dans une assurance-santé. Un pari sur l'avenir, pour ne pas mettre le doigt dans l'engrenage des assureurs. Sur les 47 millions d'Américains (soit 16 % de la population) qui ne sont pas couverts au moins durant une période de l'année, un tiers vivent dans des foyers gagnant plus de 50.000 dollars par an. Et quelque 15 % affichent même des revenus annuels supérieurs à 75.000 dollars !

Projets pilotes

Les hommes politiques dénoncent de longue date le coût de ces non-assurés pour le contribuable. Selon eux, ils évitent en effet les visites de routine chez le médecin, mais, en cas de crise, se présentent aux services d'urgence, qui n'ont pas le droit de les renvoyer sans soins. D'ailleurs, les pouvoirs locaux n'ont pas attendu une réforme hypothétique à Washington pour chercher des solutions.

L'an dernier, le gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, a échoué à faire passer une réforme qui prévoyait une couverture obligatoire pour tous. Mais deux projets pilotes dans le pays sont perçus comme les signes précurseurs d'une possible réforme du système de santé. Ainsi, depuis janvier 2008, la municipalité de San Francisco offre aux non-assurés une infrastructure qui garantit à ses usagers des soins préventifs et courants dans 27 cliniques et hôpitaux de la ville, et ce, quels que soient leur situation professionnelle, leurs antécédents médicaux ou leur origine géographique. Les employeurs sont contraints d'offrir une couverture santé ou de cotiser au programme. Contrairement aux craintes de certains, ni l'emploi ni le nombre d'entreprises n'ont diminué. Le coût du dispositif, inférieur au budget prévisionnel, a conduit les autorités à élargir le programme aux personnes dont le niveau de vie atteint jusqu'à cinq fois le seuil fédéral de pauvreté. Les trois quarts des non-assurés de la ville sont désormais inscrits. Autre initiative prometteuse : l'Etat du Massachusetts a instauré en 2006 une couverture santé obligatoire pour tous, sous peine d'amendes infligées aux employeurs et aux individus. Trois ans plus tard, 97 % de ses résidents sont assurés et 59 % de l'opinion reste favorable à la loi.

Imprimer l'article

Partager :

Viadeo

Pour aller plus loin
SANTE
'; var fin_bloc='
SANTE

POLITIQUE SOCIALE
'; var fin_bloc='
POLITIQUE SOCIALE

PROTECTION SOCIALE
'; var fin_bloc='
PROTECTION SOCIALE

Les Echos Conférences

ECONOMIE SANTE 2009

Le rendez-vous annuel des décideurs de la santé

Mercredi 18 et jeudi 19 novembre 2009 - Palais des Congrès de Paris
Tarif : 1150€ HT soit 1375.40€ TTC

En savoir plus

Les Echos Formation

Les Echos Editions

Le GUIDE des chasseurs de têtes et des cabinets de recrutement

Publié le 22 octobre 2007 par Les Echos Editions - Pearson Village Mondial
Tarif : 45€
Auteur : Philippe Haustête

L'Instrument de votre réussite, que vous soyez candidat ou recruteur.

> Lire l'article de Philippe Haustête "De l'art d'utiliser un chasseur de tête" publié dans la revue des diplômés d'HEC - janvier 2008

En savoir plus

Usa, Santé

Posted via web from beatan's posterous

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire